Annulation du licenciement qui porte atteinte à la liberté d’expression : les revenus de remplacement ne sont pas déduits dans le calcul de l’indemnité d’éviction

Pour rappel, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, le salarié dont le licenciement est annulé et qui demande sa réintégration dans l’entreprise a droit au versement d’une indemnité d’éviction correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi entre son licenciement, d’une part, et sa réintégration, d’autre part, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé. En principe, les revenus de remplacement et les rémunérations perçus pendant cette période sont donc déduits de cette indemnité d’éviction.

Toutefois, en cas de licenciement nul en raison de la violation d’une liberté fondamentale, aucune déduction ne dit être faite. La réparation est forfaitaire. La Cour de cassation est venue rappeler ce principe dans un arrêt du 23 octobre 2024.

Dans cette décision, une salariée engagée en qualité de responsable administratif et comptable par un syndicat avait été licenciée. Elle a alors saisi la juridiction prud’homale afin de contester son licenciement, soutenant que celui-ci avait porté atteinte à une liberté fondamentale, en l’occurrence sa liberté d’expression. Elle demandait en conséquence sa réintégration ainsi que le versement d’une indemnité correspondant aux salaires qu’elle aurait dû percevoir entre son licenciement et sa réintégration.

La Cour d’appel de Paris a condamné l’employeur à payer à la salariée une indemnité équivalente aux salaires qu’elle aurait dû percevoir depuis son licenciement jusqu’à sa réintégration, sans déduction des revenus de remplacement. L’employeur s’est pourvu en cassation, il conteste le calcul de l’indemnité en invoquant le fait que les revenus de remplacement perçus par la salariée après son licenciement devraient être déduits.

La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur en rappelant tout d’abord que le licenciement qui intervient en raison de l’exercice par le salarié de sa liberté d’expression est nul car il porte atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie.

La Cour de cassation considère ensuite que le salarié dont le licenciement est nul comme portant atteinte à sa liberté d’expression et qui demande sa réintégration a droit à une indemnité égale aux salaires perdus pendant la période d’éviction sans déduction des revenus de remplacement qu’il a éventuellement perçus.

La Cour de cassation avait déjà appliqué ce principe pour d’autres atteintes à une liberté fondamentale, tel qu’une atteinte à l’exercice du droit de grève (Cass. soc. 2 février 2006 no 03-47.481) ou une atteinte à l’égalité entre les hommes et les femmes dans le cadre du licenciement d’une salariée fondé sur son état de grossesse (Cass. soc. 29-1-2020 no 18-21.862).

Cass. soc. 23 octobre 2024 no 23-16.479