Et après ?

Et après ?

(par Me Paul ROMATET)

 

i. Dans le contexte actuel de crise sanitaire, de nombreuses entreprises ont recours de façon massive à l’activité partielle afin de juguler en urgence la baisse drastique et soudaine d’activité à laquelle elles sont confrontées.

 

Néanmoins, alors que s’annonce une période de récession économique, l’activité partielle ne permet pas de répondre à l’ensemble des enjeux auxquels les entreprises seront exposées demain. De fait, cet outil juridique – adapté pour les besoins de la cause par le gouvernement – commence d’ores et déjà à montrer certaines limites :

 

  • Limitation dans le temps (une entreprise ne saurait avoir recours à ce dispositif pour une période supérieure à 12 mois consécutifs),

  • Risques liés aux éventuelles demandes de renouvellement (notamment dans l’hypothèse où la DIRECCTE solliciterait en contrepartie des engagements de maintien dans l’emploi),

  • Limitation dans les niveaux de prise en charge. A ce titre, le plafonnement de l’allocation d’activité partielle à hauteur de 70% de 4,5 SMIC ne permet pas aux entreprises de compenser utilement la baisse d’activité des cadres disposant d’un niveau de rémunération élevé.

Loin de constituer une solution pérenne pour faire face aux difficultés économiques à venir, l’activité partielle permet de répondre à un besoin de préservation à court terme de la santé financière d’une entreprise.

 

ii. Aussi, une fois le déconfinement acté et lorsque sera inéluctablement fait le constat de la dissipation des marchés et de l’affaissement du tissu économique français, les entreprises seront invitées à identifier les outils juridiques permettant de pérenniser leur activité et, le cas échéant, de sauvegarder l’emploi.

L’enjeu risque d’être de taille notamment si, à l’instar des modèles espagnols et italiens, le gouvernement français devait finalement décider d’un moratoire sur la mise en œuvre des licenciements collectifs pour motif économique.

 

Parmi les pistes de réflexion, la mobilisation d’outils alternatifs à l’indémodable plan de sauvegarde de l’emploi tel que l’accord de performance collective pourrait s’avérer précieux.

 

Pour mémoire, créé par l’ordonnance n°2017-1385 du 22 septembre 2017 afin de supplanter les anciens « accords de préservation et de développement de l’emploi », de « maintien dans l’emploi », de « mobilité interne » et de « réduction du temps de travail », l’accord de performance collective a pour objectif de « répondre aux nécessités de fonctionnement de l’entreprise ou de préserver ou développer l’emploi » (article L. 2254-2 du Code du travail).

 

Derrière ces objectifs assez larges, se cachent surtout la possibilité pour l’entreprise d’aménager au choix (i.) la durée du travail de ses collaborateurs, (ii.) leur rémunération ou (iii.) les conditions de leur mobilité.

 

Outil particulièrement flexible (dans la mesure où il peut être conclu dans les entreprises qui ne disposent pas d’une représentation du personnel et où sa durée est aisément malléable), les dispositions de l’accord de performance collective se substituent purement et simplement aux clauses contraires et incompatibles prévues par le contrat de travail des salariés.

 

Ainsi, une fois informé de la modification à intervenir de son contrat de travail à raison de l’application de cet accord, le salarié qui le refuserait pourrait alors être licencié pour un motif sui generis (non assimilable à un licenciement pour motif économique).

 

Garantissant le maintien dans l’emploi des salariés qui accepteraient les termes de l’accord tout en permettant à l’entreprise d’adapter son organisation au nouvel ordre économique, cet outil s’inscrit dans la recherche d’un pacte social précieux en ces périodes troubles.

 

***

Si les lendemains de déconfinement risquent de s’avérer douloureux pour certaines entreprises, celles qui réussiront à anticiper dès à présent l’évolution de leur organisation sur le long terme seront, à n’en pas douter, mieux dotées pour braver l’après. 

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