Organiser la reprise (3) : Quelles mesures de protection des salariés mettre en œuvre ?

Par Alexandra Frelat, Avocat Counsel, MGGVOLTAIRE

Saisi par l’Inspection du travail, le Tribunal Judiciaire de Lille a eu à se prononcer, dans une ordonnance de référé du 14 avril 2020, sur les mesures de protection des salariés pouvant être imposées à un supermarché.

Après plusieurs visites au sein d’un supermarché de Villeneuve d’Ascq, l’Inspecteur du travail a en effet constaté des conditions de travail ne permettant pas, selon lui, de respecter l’obligation de sécurité de l’employeur. Il relevait notamment l’absence de port de masque par certains salariés, le non-respect de la distance d’un mètre entre salariés ou entre salarié et clients, notamment lors des réassorts.

Pour obtenir la condamnation du supermarché à renforcer les mesures de sécurité et, à défaut de s’y astreindre à fermer son magasin, l’Inspection du travail invoquait :

·      Les articles L.4121- et suivants du Code du travail imposant à l’employeur de prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ».

L’application de ce texte pose une première difficulté. En effet, les préconisations gouvernementales liées à la lutte contre la propagation du Coronavirus ont été évolutives. Difficiles dès lors pour les entreprises de définir les règles de sécurité internes propres à permettre le respect de leur obligation de sécurité. Si les mécanismes de transmission semblent aujourd’hui connus, les mesures pour assurer pleinement la sécurité des salariés semblent néanmoins avoir des contours variables, en fonction de l’activité exercée.

Au-delà de cette difficulté liée à la définition des mesures elles-mêmes, l’employeur peut être confronté à la pénurie des équipements de protection, les masques notamment ou même au comportement des salariés se refusant à porter ces équipements.

·      Les articles R.4421-1 et suivants du Code du travail concernant spécifiquement la prévention des risques biologiques. Ces articles sont applicables « dans les établissements dans lesquels la nature de l’activité peut conduire à exposer les travailleurs à des agents biologiques. » et ne le sont pas « lorsque l’activité, bien qu’elle puisse conduire à exposer des travailleurs, n’implique pas normalement l’utilisation délibérée d’un agent biologique et que l’évaluation des risques prévue au chapitre III ne met pas en évidence de risque spécifique. »

Dans son ordonnance, le Tribunal relève effectivement que l’activité de vente de détail de marchandises dans un établissement auprès des particuliers n’implique pas l’utilisation délibérée d’un agent biologique.

Pour autant, le Tribunal relève que la mise-à-jour du Document Unique d’Evaluation des Risques (« DUER ») identifiait un risque biologique spécifique pour tous les postes liés à la relation client (accueil clientèle, mise en rayon, vente etc.).

Le Tribunal en déduit que le supermarché est bien exposé à un risque biologique spécifique qui entraîne l’obligation pour l’employeur de mettre en œuvre toutes les mesures susceptibles de supprimer ou réduire au minimum le risque résultant de l’exposition à la pandémie. L’obligation de sécurité de l’employeur s’en trouve donc renforcée.

Au regard de cette décision, nous ne pouvons que souligner l’attention qui doit être portée à la mise-à-jour du DUER afin de circonscrire précisément le risque et de définir les mesures à mettre en œuvre pour assurer la protection des salariés.

Parmi les mesures dont le Tribunal a ordonné la mise en place, les suivantes semblent particulièrement intéressantes :

·      Donner des consignes strictes aux salariés quant au respect des mesures barrière et au port des équipements de protection, notamment les masques. Le port des gants n’est pas considéré comme obligatoire dès lors que les salariés ont la possibilité de se laver très régulièrement les mains. Ces consignes devront passer par un affichage dans les locaux mais également par des formations dispensées à chaque salarié quant à l’utilisation de ces équipements (placement et retrait notamment) conformément à l’article R.4425-6 du Code du travail (lié au risque biologique). L’employeur devra être en mesure de démontrer les formations dispensées aux salariés. Bien que l’application des articles liés à la gestion des risques biologiques soit contestable, la mise en œuvre de mesures complémentaires permettant de caractériser le respect de l’obligation de sécurité reste pertinente. La formation des salariés En cas de difficulté, l’employeur doit se tourner vers le médecin du travail pour définir des mesures de protection alternatives.

·      Fournir aux salariés les notices d’utilisation des équipements de protection.

·      Tenir à disposition des salariés et des représentants du personnel les informations listées à l’article R.4424-4 du Code du travail, notamment le nom et l’adresse du médecin du travail mais également la personne chargée par l’employeur d’assurer la sécurité sur le lieu de travail pour le risque identifié.

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