Preuve d’une discrimination syndicale: précisions apportées par la Cour de cassation

En matière d’établissement de la preuve d’une discrimination syndicale, l’article L.1134-1 du Code du travail aménage le régime probatoire: en effet, le salarié doit présenter des éléments de faits laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Par ailleurs, la Cour de cassation admet qu’un salarié protégé puisse utiliser le mécanisme de l’article 145 du Code de procédure civile pour, avant tout procès au fond, obtenir la communication de documents nécessaires à la protection de ses droits. Cette procédure consiste, pour le salarié demandeur, à constituer un panel d’autres salariés de la société dans une situation de formation et de qualification semblable et de comparer ce panel à sa propre situation, afin de faire ressortir la discrimination syndicale alléguée et d’évaluer le préjudice subi.

L’enjeu de ce contentieux porte sur le volume des éléments produits et le fait que ces données sont des données personnelles à d’autres salariés.

C’est l’articulation de ce mécanisme avec l’obtention de preuves en matière syndicale que la Cour de cassation est venue préciser dans un arrêt du 22 septembre 2021 (n°19-26144).

En l’espèce, un salarié sollicitait la communication d’un extrait du registre du personnel non anonymisé identifiant les salariés embauchés la même année que le requérant à plus ou moins 2 ans près dans la même catégorie, au même niveau de qualification, leurs bulletins de paie du mois de décembre de chaque année depuis leur embauche, les formations suivies et leurs dates, leurs fiches d’évolution et d’autres éléments personnels aux salariés.

Le salarié est débouté de sa demande par la Cour d’appel à l’appui des moyens critiqués suivants:

  • En premier lieu, la Cour d’appel relève qu’il existe un mécanisme probatoire dédié en matière de discrimination, prévu par l’article L.1134-1 mentionné ci-dessus, et qu’en conséquence ce mécanisme rend inutile la production des éléments sollicités dans le cadre d’une requête en référé ;
  • En deuxième lieu, la Cour relève qu’au cours de l’instance prud’homale, la société a produit les fiches individuelles de dix salariés se trouvant dans une situation comparable à celle du salarié requérant. Elle retient que le panel élaboré par la société était suffisamment large et les fiches suffisamment complètes pour permettre au salarié de procéder à la comparaison souhaitée.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel.

Sur le premier point, elle considère que l’aménagement du régime probatoire prévu par l’article L.1134-1 du Code du travail n’exclut pas la possibilité pour le salarié d’introduire une requête en référé au titre de l’article 145 du Code de procédure civile. Dans la mesure où le juge du fond n’était pas encore saisi du procès en vue duquel la mesure d’instruction était sollicitée, la Cour d’appel ne pouvait pas rejeter la demande du salarié sur ce fondement.

Sur le deuxième point, la Cour de cassation, par une approche didactique, détaille le raisonnement que doit adopter le juge saisi d’une demande de communication de pièces:

  • Il doit d’abord rechercher si cette communication est nécessaire à l’exercice du droit à la preuve de la discrimination alléguée et proportionnée au but poursuivi et s’il existe ainsi un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige ;
  • Ensuite, si les éléments dont la communication demandée sont de nature à porter atteinte à la vie personnelle d’autres salariés, le juge doit vérifier quelles mesures sont indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant le périmètre de la production de pièces sollicitées.

La Cour d’appel n’ayant pas suivi ce raisonnement pour rejeter la demande du salarié, l’arrêt est cassé.

https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/1025_22_47741.html

 

 

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