Signes religieux : la Cour de cassation affine sa jurisprudence
Dans cette espèce ayant donné lieu à la décision de la Haute juridiction du 14 avril 2021, ne salariée, recrutée en 2012 en qualité de vendeuse, s’était présentée à son poste de travail à son retour de congé parental avec un foulard dissimulant ses cheveux, ses oreilles et son cou. Face au refus opposé par la salariée de retirer ce foulard, son employeur lui notifiait son licenciement le 9 septembre 2015.
La salariée faisait alors valoir que son licenciement reposait sur un motif discriminatoire tenant à ses convictions religieuses et sollicitait l’annulation de cette mesure.
La Cour d’appel avait fait droit à cette demande, en constatant notamment l’absence d’une clause de neutralité figurant dans le règlement intérieur ou dans une note de service. Surtout, la Cour d’appel rejetait l’argument de l’employeur selon lequel le refus de port du foulard reposait sur une exigence professionnelle essentielle fondée sur la nature de l’emploi de vendeuse, emploi impliquant un contact direct avec la clientèle et sur « la nature de l’activité de l’entreprise, son image de marque et son choix de positionnement commercial, destiné à exprimer la féminité de sa clientèle sans dissimuler son corps et ses cheveux ». Ainsi, la Cour d’appel estimait que l’image commerciale que souhaitait projeter l’employeur ne pouvait constituer un objectif légitime justifiant une telle interdiction.
L’affaire est alors portée devant la Cour de cassation qui, par arrêt du 14 avril 2021, rejette le pourvoi formé par la Société (Cassation, Sociale, 14 avril 2021, n° 19-24.079).
De façon classique, la Cour de cassation rappelle que les restrictions portées à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, doivent répondre à une exigence professionnelle et déterminante et être proportionnées au but recherché. Puis, elle ajoute que le règlement intérieur ou une note de service peut prévoir une clause de neutralité interdisant tout signe politique, philosophie ou religieux sur le lieu de travail applicable aux seuls salariés se trouvant en contact avec les clients.
Dans le cas présent, la Cour de cassation note néanmoins :
- Que l’employeur est dans l’incapacité de démontrer l’existence d’une clause de neutralité insérée dans son règlement intérieur ou une note de service et déduit, de ce seul constat, que l’interdiction du port d’un foulard islamique caractérise une discrimination fondée sur les convictions religieuses. Aussi, il pourrait en résulter que quand bien même l’employeur serait en mesure de démontrer que l’interdiction de port d’un signe religieux distinctif repose sur une exigence professionnelle essentielle, déterminante et proportionnée, poursuivant un objectif légitime, l’absence de toute clause de neutralité rend automatiquement nul tout licenciement fondé sur le port d’un tel signe religieux.
- Que « la justification de l’employeur était explicitement placée sur le terrain de l’image de l’entreprise au regard de l’atteinte à sa politique commerciale ». Sur ce point, la Cour de cassation conforte la position de la cour d’appel et précise que « l’attente des clients sur l’apparence physique des vendeuses » ne peut constituer une exigence professionnelle essentielle et déterminante. Il en résulte que seul un risque d’hygiène et/ou de sécurité pourrait le cas échéant justifier une restriction au port de signes religieux (cf. Cass. soc., 8 juillet 2020, n° 18-23.747).
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