“Prohibition” de l’alcool sur le lieu de travail

Le Conseil d’Etat, dans une décision du 14 mars 2022, apporte des précisions sur le contrôle de proportionnalité qui doit s’opérer en cas de limitation ou d’interdiction, décidée par l’employeur, de consommation de boissons alcoolisées sur le lieu de travail.

Aux termes de l’article R. 4228-20 du Code du travail, « aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n’est autorisée sur le lieu de travail ».

Cet article dispose par ailleurs que l’employeur peut prévoir « dans le règlement intérieur ou, à défaut, par note de service, les mesures permettant de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de prévenir tout risque d’accident » « lorsque la consommation de boissons alcoolisées […] est susceptible de porter atteinte à la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs ».

Ces mesures, qui peuvent notamment prendre la forme d’une limitation, voire d’une interdiction de cette consommation, doivent être proportionnées au but recherché.

Les juges du fond peuvent ainsi être amenés à contrôler la proportionnalité de la mesure de limitation ou d’interdiction.

En l’espèce, un règlement intérieur prévoyait ainsi : « Il est (…) interdit d’introduire, de distribuer ou de consommer des boissons alcoolisées ».

La DIRECCTE (depuis DREETS), amenée à contrôler le contenu du règlement intérieur, a sollicité une modification de cet article du règlement intérieur en cause fixant une interdiction absolue, en ce que celle-ci apparaissait disproportionnée.

Le Tribunal administratif, puis la Cour administrative d’appel ont confirmé la décision de la DIRECCTE en estimant que la société requérante n’apportait pas la preuve du caractère justifié et proportionné de l’interdiction imposée aux salariés, en précisant notamment qu’elle ne caractérisait pas l’existence d’une situation particulière de danger « faute d’éléments chiffrés sur le nombre d’accidents du travail ou de sanctions préalables liées à l’alcool sur [le] site ».

Le Conseil d’Etat casse l’arrêt d’appel et décide de régler l’affaire en validant la clause litigieuse.

En rappelant l’obligation pesant sur l’employeur de mettre en œuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 du code du travail au titre de son obligation de sécurité sur le fondement des principes généraux de prévention, et en constatant les activités potentiellement dangereuses que la majorité des salariés du site étaient amenés à effectuer (utilisation de machines et d’outils de carrosserie-montage, utilisation ou manipulation de produits chimiques dans le cadre d’activités d’emboutissage, de tôlerie, de peinture, de montage, etc.), le Conseil d’Etat juge que les dispositions du règlement intérieur de l’établissement interdisant d’y introduire, distribuer ou consommer des boissons alcoolisées étaient justifiées par la nature des tâches à accomplir et proportionnées au but recherché.

Le Conseil d’Etat considère ainsi qu’il n’y a pas nécessairement lieu de se référer à des données relatives aux accidents du travail ou à l’existence d’éventuelles sanctions liées à la consommation d’alcool pour pouvoir apprécier le caractère proportionnel de l’interdiction absolue décrétée. 

CE 14 mars 2022, n° 434343 (publié au recueil Lebon)

 

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000045357932?init=true&page=2&query=&searchField=ALL&tab_selection=cetat

 

 

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