Décision de la Cour de cassation
Dans un arrêt du 10 juillet 2024 (n° 23-14.900 F-B), la Cour de cassation a précisé les règles d’admissibilité d’un enregistrement clandestin comme preuve de harcèlement moral.
- Droit à la preuve et proportionnalité
En vertu de l’article 6 paragraphe 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et de l’article 9 du Code de procédure civile, la Cour a souligné que « l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. ».
- Application spécifique au harcèlement moral
En vertu de l’article L. 1154-1 du Code du travail, la charge de la preuve en matière de harcèlement moral ne pèse pas entièrement sur le salarié. Celui-ci doit établir des faits permettant de présumer l’existence du harcèlement, et il appartient alors à l’employeur de démontrer que ces faits ne constituent pas du harcèlement moral.
- Critères d’admissibilité de l’enregistrement clandestin
La Cour a jugé que l’enregistrement réalisé à l’insu de l’employeur peut être admissible à condition que :
- Il soit indispensable à l’exercice du droit à la preuve du harcèlement moral ;
- L’atteinte au respect de la vie personnelle de l’employeur soit proportionnée au but poursuivi, c’est-à-dire prouver le harcèlement moral.
La Cour de cassation a ainsi mis en balance le droit du salarié à prouver des faits de harcèlement et le droit de l’employeur au respect de sa vie personnelle.
Prise en compte de l’ensemble des éléments de preuve
La Cour a également critiqué la cour d’appel pour ne pas avoir examiné l’ensemble des faits invoqués par la salariée, notamment les manques de formation, les sanctions injustifiées et la dégradation de son état de santé. Elle a souligné l’obligation du juge de considérer tous les éléments de preuve présentés par le salarié pour présumer l’existence d’un harcèlement moral.
Conclusion
Cet arrêt de la Cour de cassation du 10 juillet 2024 clarifie les conditions d’admissibilité des preuves en matière de harcèlement moral. Il réaffirme le droit du salarié à prouver le harcèlement tout en respectant l’équité procédurale. La décision insiste sur la nécessité d’une évaluation stricte de la proportionnalité de l’atteinte à la vie privée de l’employeur par rapport à l’exigence de prouver des faits graves de harcèlement.
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 789 du 10 juillet 2024, Pourvoi nº 23-14.900