Force est de constater que la question de la mutation du salarié (notamment lorsque cette opération intervient entre deux entreprises appartenant au même groupe) continue d’alimenter nos rubriques Actualité, la Cour de cassation n’ayant pas encore définitivement fixé sa jurisprudence en la matière.
Rapide retour en arrière : Dans une décision du 15 octobre 2014, la Cour de cassation avait jugé que, sauf dispositions légales contraires, « la rupture du contrat de travail par accord des parties ne [pouvait] intervenir que dans les conditions prévues par les articles L. 1237-11 et suivants du Code du travail relatifs à la rupture conventionnelle » (Cass. Soc., 15 oct. 2014, n°11-22.251).
Cette décision avait été fortement critiquée par les praticiens craignant qu’une telle décision mette à mal tout un pan de l’organisation des entreprises articulée autour de la mutation des salariés par voie de signature de conventions tripartites de transfert aux termes desquelles il pouvait être mis fin d’un commun accord au contrat de travail conclu entre un salarié en son premier employeur en même temps qu’était prévue la conclusion d’un nouveau contrat entre le salarié et son nouvel employeur.
La Cour de cassation avait alors été amenée à modérer sa position et à admettre que les dispositions du Code du travail relatives à la rupture conventionnelle n’étaient applicables « à une convention tripartie conclue entre un salarié et deux employeurs successifs ayant pour objet d’organiser, non pas la rupture, mais la poursuite du contrat de travail » (Cass. Soc., 8 juin 2016, n°15-17.555).
Depuis, la Cour de cassation n’a eu cesse de détailler sa position en témoigne par exemple un arrêt rendu au début de cette année sur la question du transfert des obligations nées avant la date d’effet du changement d’employeur en cas de conclusion d’une convention de mutation intragroupe. La Cour de cassation avait alors rappelé que la prise en charge du passif par le nouvel employeur ne s’impose qu’en cas de transfert légal du contrat de travail sous l’égide des dispositions de l’article L. 1224-1 du Code du travail et non dans des cas de transferts conventionnels ou de transfert par voie de régularisation d’une convention tripartite (Cass. Soc., 23 mars 2022, n°20-21.518).
Plus récemment, la Cour de cassation a entendu mettre un terme à certaines dérives et a ainsi rappelé que, si les entreprises appartenant à un même groupe pouvaient librement organiser la mutation des salariés entre elles, un tel transfert était toutefois assujetti à la formalisation d’une convention tripartite.
Dans l’espèce soumise aux Juges du droit le transfert du salarié avait été organisé par une succession d’accords individuels (un premier accord entre le salarié et son premier employeur, puis un second accord entre l’entreprise d’accueil et le salarié) sans régulariser d’une convention réunissant les trois parties. Le Salarié avait alors demandé à ce que la rupture de son contrat de travail avec son premier employeur soit requalifié en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dans un arrêt du 26 octobre 2022, la Cour de cassation a finalement admis qu’une addition d’accords individuels ne pouvait pour autant emporter transfert du contrat de travail du salarié entre deux employeurs successifs, une telle mutation devant nécessairement être organisée dans le cadre d’une convention tripartite (Cass. Soc., 26 oct. 2022, n°21-10.495).
Les employeurs sont ainsi invités à ne pas se limiter à une simple recherche de volonté réciproque des parties, mais bien à entériner l’accord de ces dernières dans un document unique signé par chacune d’entre elles.
Source : https://www.courdecassation.fr/decision/6358d00299f67905a719f963