Rappel du régime d’indisponibilité des sommes issues de l’épargne salariale
Les salariés qui investissent le fruit de leur épargne salariale sur un plan d’épargne ouvert par l’entreprise bénéficient d’un certain nombre d’avantages sociaux et fiscaux et notamment d’une exonération d’impôt sur le revenu.
Toutefois, ce régime de faveur est assujetti à une condition de blocage des sommes affectés sur le PEE et, ce pendant une durée minimale de 5 ans.
Naturellement, certains aléas de la vie personnelle ou professionnelle du salarié peuvent inciter ce dernier à devoir débloquer par anticipation ces investissements. A cet effet, le Code du travail aménage un certain nombre de cas de déblocage permettant au salarié de liquider ses avoirs avant l’expiration du délai d’indisponibilité sans pour autant perdre le bénéfice des avantages fiscaux rattachés à l’épargne salariale : mariage ou divorce, décès, rupture du contrat de travail, acquisition de la résidence principale… (Article R. 3324-22 du Code du travail).
Nouveau cas de déblocage exceptionnel
Face au besoin impérieux de protection du pouvoir d’achat des Français, le législateur a ouvert la possibilité pour les salariés de débloquer avant le 31 décembre 2022 leur épargne salariale dans une limite de 10.000 Euros (Article 5 de la loi n°2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat).
Une foire aux questions (FAQ) mise en ligne par le ministère du Travail le 13 septembre dernier apporte un certain nombre de précisions utiles sur les modalités de mise en œuvre de ce dispositif exceptionnel.
- Quel champ d’application ?
Toutes les entreprises disposant d’un mécanisme de participation (peu important les modalités de mise en place et y compris pour les entreprises de moins de 50 salariés se soumettant volontairement à la participation) et d’intéressement ainsi que d’un plan d’épargne d’entreprise sur lequel le fruit de l’épargne a vocation à être investi sont concernées par ces nouvelles modalités de déblocage anticipé.
Par ailleurs, tous les salariés et anciens salariés peuvent bénéficier de ces modalités exceptionnelles.
- Quel plafond pour le déblocage exceptionnel des sommes ?
Le montant du déblocage exceptionnel dont peuvent bénéficier les salariés au titre de ces dispositions dérogatoires et temporaires est plafonné à hauteur de 10.000 Euros nets (après déduction des prélèvements sociaux sur les revenus de placement, qui – pour rappel – s’élèvent à 17,20% en 2022).
Si l’employeur est dans l’obligation d’accepter le déblocage des sommes sollicitées par le salarié à concurrence de 10.000 Euros nets, il est en revanche à droit de refuser une telle demande pour sa fraction excédant le plafond susvisé.
- Quelles sommes sont concernées par le déblocage exceptionnel ?
Outre un plafond exprimé en Euros, le législateur a entendu fixer une limite temporelle pour les sommes concernées par ce déblocage.
A ce titre, le salarié pourra uniquement solliciter le déblocage des sommes issues de la participation et de l’intéressement investies dans le plan d’épargne d’entreprise avant le 1er janvier 2022 (en ce compris, les sommes issues de l’abondement de l’employeur).
Inversement, la loi du 16 août 2022 a explicitement exclu certaines sommes du champ d’application du dispositif. La FAQ publiée par le Ministère du travail rappelle à ce titre que le déblocage ne peut par exemple pas porter sur :
- Les sommes investies dans un plan d’épargne pour la retraite collectif (PERCO), un plan d’épargne retraite collectif ou dans un plan d’épargne retraite obligatoire,
- Les actions de l’entreprise ou d’entreprises liées souscrites ou acquises à la suite de l’exercice d’options sur titres (« stock-options »), dans le cadre d’un plan d’épargne salariale,
- Les sommes issues de versements unilatéraux de l’employeur qui sont effectués en l’absence de versement du salarié, ainsi que les sommes issues de versements volontaires du salarié et l’abondement qui s’y rapporte.
- Quelles modalités pour la demande du bénéficiaire ?
Il est important de noter que la demande de déblocage exceptionnel doit être formulée par le salarié, par tout moyen permettant de conférer une date certaine à cette demande, entre le 18 août et le 31 décembre 2022. Aussi, sauf exception, toute demande tardive du salarié (i.e. après le 31 décembre prochain) devra être rejetée.
La demande écrite du salarié doit a minima être accompagnée de précisions sur (i.) le montant à débloquer, (ii.) les supports d’investissement que le bénéficiaire entend liquider et (iii.) doit être datée et signée.
La demande de déblocage exceptionnelle ne peut être présentée qu’une seule fois par organisme gestionnaire. Si les avois du salarié sont gérés par plusieurs organismes gestionnaires, le salarié pourra formuler une demande auprès de chacun des gestionnaires mais toujours à concurrence du plafond de 10.000 Euros nets.
La conclusion d’un accord collectif – devant le cas échéant être déposé sur la plateforme « Téléaccords » – pourrait être requis dans certaines situations (principalement dans l’hypothèse où les sommes ont été affectées à l’acquisition de titres de l’entreprise ou à l’acquisition de parts ou d’actions d’organismes de placement collectif). Dans une telle hypothèse, la FAQ publiée par le Ministère du travail invite les négociateurs à conclure un tel accord avant la fin du mois de Novembre prochain afin de permettre aux salariés de formuler leur demande de déblocage avant la date limite du 31 décembre 2022.
Obligation d’information incombant à l’entreprise
L’ensemble des modalités détaillées ci-dessus peuvent être difficiles à appréhender pour les salariés. Aussi, la loi du 16 août 2022 prévoyait-elle une obligation d’information des bénéficiaires à la charge de l’employeur « dans un délai de 2 mois à compter de la promulgation de la loi ».
La FAQ publiée par le Ministère du Travail rappelle ainsi que les employeurs devront informer les bénéficiaires avant le 16 octobre 2022 de la faculté de déblocage exceptionnel dont ils disposent.
Si cette information peut être effectuée par tout moyen (courriel, affichage…), nous recommandons fortement aux employeurs de garder trace de cette communication et ce, afin d’éviter les risques de de contentieux ultérieurs engagés par les salariés au motif qu’ils auraient été privés de la faculté de mobiliser ce dispositif.