Dans une série de quatre arrêts du 11 mars 2025, publiés au Bulletin (Cass. soc., 11 mars 2025, n° 23-16.415, n° 21-23.557, n° 24-10.452 et n° 23-19.669), la Cour de cassation vient préciser les contours du principe selon lequel certains manquements de l’employeur entraînent automatiquement une réparation pour le salarié. En encadrant strictement les situations où la démonstration d’un préjudice est requis, ces décisions rappellent que, sauf exceptions, la charge de la preuve du dommage incombe toujours au salarié.
Forfait jours et charge de travail : pas de préjudice automatique
Deux des arrêts concernent les conventions de forfait en jours. La Cour de cassation rappelle que si l’employeur ne respecte pas les dispositions légales et conventionnelles encadrant le suivi de la charge de travail ainsi que de l’équilibre vie professionnelle / vie personnelle des salariés soumis à une convention de forfait annuelle en jours, celle-ci devient inopposable. Le salarié peut alors prétendre, notamment, au paiement d’heures supplémentaires. Toutefois, ce seul manquement ne suffit pas à justifier une réparation supplémentaire. Il appartient au salarié de prouver qu’il a subi un préjudice distinct de celui réparé par le rappel de salaire.
Travail de nuit : suivi médical et preuve du dommage subi
La Haute juridiction adopte la même analyse pour le suivi médical des travailleurs de nuit. Conformément à la directive 2003/88/CE, l’employeur doit assurer un suivi régulier de l’état de santé de ces salariés. Cependant, l’absence de visite médicale ne constitue pas, en soi, un préjudice réparable. Pour obtenir une indemnisation, le salarié doit démontrer l’impact effectif de ce manquement sur sa santé ou ses conditions de travail.
Congés payés : obligation de l’employeur, mais pas d’indemnisation automatique
Enfin, la Cour statue sur les obligations de l’employeur en matière de congés payés. Si l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour permettre au salarié d’exercer effectivement son droit à congé, une violation de cette obligation n’entraîne pas systématiquement un droit à réparation. Là encore, la charge de la preuve repose sur le salarié, qui doit justifier d’un préjudice distinct.
Sécurisation pour les employeurs
Ces décisions viennent renforcer la sécurisation des entreprises face aux demandes indemnitaires infondées dépourvues de justification concrète.
Elles rappellent que la preuve du préjudice demeure une condition essentielle pour toute réparation et qu’un manquement formel de l’employeur ne peut, à lui seul, ouvrir droit à une indemnité supplémentaire, sauf exception légale ou jurisprudentielle expressément admise et strictement interprétée.
Cass. soc., 11 mars 2025, n° 23-16.415, n° 21-23.557, n° 24-10.452 et n° 23-19.669