La loi n°2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte est entrée en vigueur depuis le 1 septembre 2022.
Il aura fallu donc attendre un mois de plus pour que le gouvernement divulgue enfin le décret d’application tant attendu. C’est désormais chose faite : le décret n°2022-1284 du 3 octobre 2022 relatif aux procédures de recueil et de traitement des signalements émis par les lanceurs d’alerte a été publié et apporte d’importants éclaircissements sur les dispositifs devant être déployés au sein des entreprises.
1ère précision : sur le champ d’application de l’obligation de mise en place d’une procédure de recueil et de traitement des signalements (Article 2 du décret)
Pour mémoire, la loi du 21 mars dernier précisait de façon laconique que les entreprises « employant au moins cinquante salariés » sont tenues d’établir une procédure de traitement des signalements après consultation des instances de dialogue social.
Le décret qui vient de paraître précise que ce seuil de cinquante salariés « s’apprécie à la clôture de deux exercices consécutifs et est déterminé selon les modalités prévues par l’article L. 130-1 du Code de la sécurité sociale ». En bref, les sociétés dont les effectifs annuels – calculés selon les modalités fixées par le Code de sécurité sociale – dépasseront deux années de suite le seuil de 50 salariés seront astreintes à la mise en place d’un tel dispositif.
2ème précision : sur les modalités d’établissement de la procédure de recueil et de traitement des signalements
Sur ce point, une grande liberté est laissée aux entreprises, le décret se contentant de préciser dans son propos liminaire que « chaque entité concernée détermine l’instrument juridique le mieux à même de répondre » à cette obligation (le décret évoquant par exemple une simple note de service).
L’article 8 du décret du 3 octobre 2022 précise que la procédure doit faire l’objet d’une diffusion par tout moyen (notification, affichage, publication) et ce, « dans des conditions permettant de la rendre accessible de manière permanente » à toute personne susceptible d’émettre un signalement.
Compte tenu de large définition des personnes ayant la faculté d’émettre un signalement interne (la loi du 21 mars 2022 l’ayant par exemple ouverte aux collaborateurs extérieurs voire aux cocontractants), une diffusion large de l’information doit être assurée.
3ème précision : sur le traitement du signalement (Article 4 du décret)
Le décret détaille de façon particulièrement précise les conditions dans lesquelles les signalements internes sont traités :
- La procédure peut au choix préciser que le signalement est effectué par écrit ou par oral (étant toutefois observé que dans l’hypothèse où le signalement est adressé par oral, celui-ci doit être effectué par téléphone ou messagerie vocale, l’auteur du signalement pouvant alors solliciter l’organisation d’une visioconférence ou d’un rendez-vous physique dans les 24 heures qui suivent la réception de la demande).
- L’auteur du signalement doit être en mesure de transmettre tout élément de nature à étayer sa demande.
- Précision particulièrement attendue : un accusé de réception doit être adressé à l’auteur du signalement dans un délai de 7 jours ouvrés à compter de la réception du signalement.
Une fois le signalement reçu, le décret précise que l’employeur doit vérifier que l’ensemble des conditions prescrites par la loi du 21 mars 2022 sont satisfaites et peut, à cet effet, solliciter des compléments d’information à l’auteur du signalement. En pratique, s’ouvre une pré-enquête au cours de laquelle l’entreprise doit déterminer si l’auteur du signalement a bien la qualité pour émettre cette plainte interne. Dans l’hypothèse où cette pré-enquête ne serait pas concluante, l’entreprise est invitée à informer le salarié des raisons la conduisant à écarter ce signalement.
Si la pré-enquête s’avère concluante, l’auteur du signalement est alors informé des suites données à sa plainte.
Le décret précise à ce titre que l’entreprise peut solliciter la communication d’informations complémentaires à l’auteur du signalement « afin d ‘évaluer l’exactitude des allégations qui sont formulées ». Puis, si ces allégations paraissent avérées, l’entreprise doit mettre en œuvre les actions nécessaires « pour remédier à l’objet du signalement ».
S’agissant de la clôture du traitement du signalement, celle-ci doit intervenir dans un délai maximum de trois mois à compter de l’accusé de réception du signalement. L’auteur du signalement est alors informé par écrit des suites que l’entreprise entend donner à ce signalement et, le cas échéant, des mesures qui seront déployées pour remédier à la situation ayant fait l’objet du signalement.
4ème précision : sur les personnes susceptibles de pouvoir traiter le signalement (Article 5 du décret)
Le décret du 3 octobre 2022 spécifie que la procédure interne doit identifier les personnes ou les services susceptibles de pouvoir recueillir et traiter les signalements (étant observé que la réception du signalement et son traitement peuvent, selon le décret, être gérés par des personnes ou services différents).
Seule contrainte : le décret précise que les personnes ayant à connaître du signalement doivent disposer « de la compétence, de l’autorité et des moyens suffisants à l’exercice de leurs missions », la procédure interne devant au demeurant apporter des garanties quant à l’exercice impartial des missions (sur ce point, il pourrait notamment être prévu une procédure de dessaisissement du service habituellement compétent pour traiter d’un signalement interne, si un signalement est dirigé contre le service en cause).
L’article 7 du décret ajoute que le canal de réception des signalements internes peut être géré par un tiers à l’entreprise, ce qui en pratique est d’ores et déjà souvent le cas.
5ème précision : sur les garanties devant être assurées par la procédure interne (Article 6 du décret)
La procédure doit détailler la façon dont sont garanties l’intégrité et la confidentialité des informations recueillies dans le cadre du signalement (interdiction de communication des informations aux membres du personnel ainsi qu’à des tiers – sauf impérieuse nécessité).
Des garanties complémentaires doivent être apportées dans l’hypothèse où le signalement serait effectué par oral. Afin d’éviter une déperdition de l’information, les signalements effectués par oral doivent ainsi être consignés dans des procès-verbaux ou via des enregistrements « durables et récupérables ». La retranscription de l’échange pourra le cas échéant être rectifiée et approuvée par l’auteur du signalement.
Enfin, le décret apporte des précisions sur la façon dont les autorités externes doivent elles-mêmes traiter les signalements qui leur parviendraient. Pour mémoire, dans la précédente version de la loi n°2016-1961 du 9 décembre 2016 (dite loi Sapin 2), avant toute transmission du signalement à une autorité externe, l’auteur de ce signalement devait préalablement communiquer le signalement en interne.
La loi du 21 mars 2022 a simplifié les canaux de transmission du signalement interne, le lanceur d’alerte pouvant choisir librement entre un signalement interne ou une transmission directe de son signalement à une autorité externe compétente.
Compte tenu de la publication de ce décret d’application, les entreprises de plus de 50 salariés sont invitées (i.) soit à dépoussiérer les procédures existantes au regard de ces nouvelles modalités soit (ii.) à mettre en place rapidement une procédure de recueil et de traitement des signalements internes conforme à ces nouvelles règles.