Le juge des référés du Tribunal Administratif de Rouen, dans une ordonnance du 13 octobre 2022 (n°2204100), a rejeté la requête déposée par la fédération nationale des industries chimiques CGT demandant la suspension des arrêtés préfectoraux de réquisition des agents du site Exxon Mobil de Port-Jérôme-sur-Seine, estimant que ces mesures ne portaient pas une atteinte grave et manifestement illégale au droit de grève.
En l’espèce, dans le cadre de la grève dans les raffineries françaises initiée ces dernières semaines et provoquant une pénurie de carburant, le préfet de la Seine-Maritime a pris un arrêté le 12 octobre 2022, réquisitionnant quatre salariés afin qu’ils assurent un service minimum de pompage et d’expédition du carburant.
La fédération nationale des industries chimiques CGT a saisi le juge des référés du Tribunal Administratif de Rouen par requête déposée le 12 octobre 2022, demandant la suspension de l’arrêté préfectoral considéré comme illégal car portant atteinte au droit de grève des agents du site Exxon Mobil.
Le juge des référés a constaté dans un premier temps que l’arrêté préfectoral du 12 octobre 2022 avait entièrement produit ses effets lorsque l’audience de référé s’est tenue le 13 octobre à 14h30, puisque l’arrêté prévoyait une réquisition des agents jusqu’au 13 octobre à 14h. Toutefois, un nouvel arrêté préfectoral ayant été pris le 13 octobre 2022, réquisitionnant cette fois des agents jusqu’au 14 octobre à 22h, le juge des référés a estimé qu’il était en mesure d’apprécier la légalité de cette nouvelle mesure.
Ainsi, le juge des référés du Tribunal Administratif de Rouen a rappelé que le droit de grève présente effectivement le caractère de liberté fondamentale au sens du Code de justice administrative et précise qu’est dès lors nécessaire une conciliation « entre la défense des intérêts professionnels dont la grève constitue l’une des modalités et la sauvegarde de l’intérêt général, auquel elle peut être de nature à porter atteinte ».
Afin d’analyser la nécessité et la proportionnalité des mesures de réquisition, il a notamment relevé que la pénurie de carburant crée un risque d’accidents lié aux tensions dans les files d’attente des stations-services et aux abandons de véhicule. Le juge des référés considère par conséquent que les troubles à l’ordre public engendrés par l’absence de desserte en carburant par le dépôt pétrolier de Port-Jérôme-sur-Seine qui alimente, entre autres, la région Ile-de-France, alors qu’il dispose d’un stock disponible, justifient le recours à la réquisition par le préfet de la Seine-Maritime. Par ailleurs, le juge des référés souligne que les réquisitions sont limitées à un nombre restreint d’agents et de courte durée.
Compte tenu de ces éléments, le juge des référés estime que « l’édiction d’un arrêté préfectoral de réquisition (…) n’apparait pas manifestement attentatoire au droit de grève » et rejette la demande de référé liberté de la fédération nationale des industries chimiques CGT.