Congés payés : la Cour de cassation autorise la renonciation anticipée aux jours de fractionnement

Conformément aux articles L 3141-17 à L 3141-21 et L 3141-23 du Code du travail, lorsque le congé ne dépasse pas 12 jours ouvrables, il doit être pris en continu. Le fractionnement désigne le cas où le congé est supérieur à 12 jours ouvrables, et qu’il peut alors être fractionné (pris en plusieurs fois) avec l’accord du salarié (Cass. soc. n° 20-14.390 FS-P).

En principe, la renonciation aux jours de fractionnement peut intervenir en vertu d’un accord d’entreprise ou d’établissement. À défaut de stipulation conventionnelle, le salarié peut aussi renoncer à ses jours de fractionnement à titre individuel (art. L. 3141-19 du Code du travail). Dans ce cas, le salarié remplit un formulaire de demande de congés mentionnant que leur fractionnement s’accompagne d’une renonciation.

Or, le présent arrêt va plus loin, et ajoute que cette renonciation peut intervenir avant même que les congés payés ne soient acquis, en rayant la mention concernée.

Faits

Un salarié reprochait à son employeur de l’avoir privé de jours de congé supplémentaires résultant du fractionnement de ses congés annuels. Le salarié soutenait que ces jours supplémentaires étaient automatiquement acquis par le simple fait du fractionnement, et que toute renonciation anticipée à ces droits serait par conséquent nulle et non avenue. Pour lui donc, la renonciation à ces droits ne peut être présumée avant qu’ils ne soient effectivement acquis.

L’employeur, de son côté, avait inclus une clause de renonciation dans le formulaire de demande de congés payés, stipulant que le salarié renonçait aux jours supplémentaires en cas de fractionnement, à moins qu’il n’indique expressément le contraire en biffant la clause.

Procédure

A l’instar du Conseil de prud’hommes, la Cour d’appel avait jugé valide la renonciation aux jours de congé supplémentaires de fractionnement prévue par un formulaire de demande de congés payés, même si :

  • cette renonciation était pré-rédigée par l’employeur ;
  • placée en petits caractères au bas du formulaire.

Les juges d’appel avaient estimé qu’il incombait aux salariés de rayer cette mention ou d’indiquer clairement leur souhait de bénéficier des jours de congés supplémentaires de fractionnement. Elle a donc rejeté le recours du salarié.

Réponse de la Cour

La Cour de cassation a validé la décision d’appel. Elle indique que le droit à des congés supplémentaires découle directement du fractionnement des congés, peu importe qui a pris l’initiative de ce fractionnement. La Cour précise que « le salarié avait le choix de rayer la mention pré-rédigée ou d’indiquer sur le formulaire qu’il désirait bénéficier de ses jours de fractionnement, le conseil de prud’hommes en a exactement déduit que la renonciation du salarié aux congés supplémentaires de fractionnement pouvait valablement intervenir au moment où le salarié complète le formulaire de demande de congés. ».

Ainsi, elle a constaté que le formulaire de demande d’absence prévoyait effectivement la renonciation à ces jours supplémentaires en cas de fractionnement à l’initiative du salarié, mais a estimé que cette renonciation pouvait légitimement être effectuée au moment de la demande de congés, avant que les congés payés ne soient acquis.

En conclusion, la Cour de cassation, dans son arrêt du 19 juin 2024, a validé la possibilité pour un salarié de renoncer aux jours de congé supplémentaires résultant du fractionnement au moment de sa demande de congé, marquant ainsi une position qui pourrait susciter des débats quant à la protection des droits des salariés.

Cour de cassation, Chambre sociale, 19 juin 2024, 22-22.435, Publié au bulletin