Liminaire quasi-archéologique : avant l’entrée en vigueur des ordonnances Macron de 2017, la validité de l’accord collectif d’entreprise était assujettie à : (i.) sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 30% des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles et (ii.) l’absence d’exercice dans un délai de 8 jours du droit d’opposition par une ou plusieurs organisations syndicales représentant au moins 50% des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles.
Aux oubliettes le droit d’opposition d’une organisation syndicale majoritaire, les ordonnances Macron de 2017 ont consacré le principe selon lequel la validité de l’accord collectif est conditionnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 50% des suffrages exprimés lors du 1er tour des dernières élections professionnelles des titulaires au Comité social et économique. Une dérogation toutefois à ce principe de l’accord collectif majoritaire : lorsque celui-ci est signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dont l’audience cumulée se situe entre 30 et 50% des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles, un mécanisme de « rattrapage » par la voie d’un référendum d’entreprise est créé. L’accord d’entreprise doit alors être validé par une majorité des salariés consultés (article L. 2232-12 du Code du travail).
Les conditions de contestation d’un tel référendum d’entreprise visant à faire valider un accord d’entreprise par la communauté des salariés sont désormais explicitées par la Cour de cassation dans un arrêt ayant fait l’objet d’une publicité assez limitée (Cass. Soc., 5 janv. 2022, n°20-60.270).
Dans le cas soumis aux Juges du droit, deux accords collectifs avaient été signés par plusieurs organisations syndicales représentatives représentant plus de 30% des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles, sans pour autant atteindre le seuil fatidique de 50%. Le sauvetage de ces accords était alors assujetti à une consultation préalable du personnel. Faute d’accord avec les organisations syndicales représentants dans l’entreprise sur un protocole préélectoral aux fins d’organisation dudit référendum, ses modalités avaient été fixées unilatéralement par l’employeur.
Postérieurement à l’organisation du scrutin, une organisation syndicale non signataire devait saisir, à l’époque, le Tribunal d’instance de Pointe-à-Pitre d’une demande d’annulation du référendum. Au soutien de sa requête, l’organisation syndicale faisait notamment valoir que la société avait violé le droit d’expression collective des salariés en ne convoquant pas les détenteurs d’un contrat de travail à durée déterminée au scrutin.
Suivant une décision du 30 juin 2020, le Tribunal a rejeté la demande de l’organisation syndicale, constatant que (i.) le référendum avait déjà eu lieu au moment de l’introduction de la requête, (ii.) les accords collectifs soumis à la consultation des salariés avaient d’ores et déjà fait l’objet d’une application partielle par la Société et que (iii.) le champ d’application des accords collectifs faisant l’objet du référendum était limité aux seuls salariés bénéficiant d’un contrat de travail à durée indéterminée tant et si bien que la société pouvait légitimement restreindre l’invitation à participer au référendum aux seuls salariés directement concernés par lesdits accords.
S’agissant d’une décision rendue en dernier ressort, elle a été frappée d’un pourvoi devant la Cour de cassation. Dans sa décision du 5 janvier 2022, la Cour est finalement entrée en voie de cassation et a précisé à cette occasion :
- Sur la procédure : les contestations relatives à la régularité du référendum validant un accord collectif relèvent de la compétence du tribunal judiciaire, statuant en dernier ressort, et devant être saisi dans un délai de quinze jours suivant la proclamation des résultats du scrutin. La saisine de l’organisation syndicale représentative n’était dès lors pas tardive et ce, peu importe que les accords collectifs en cause aient reçu un début d’application.
- Sur le fond : la Cour de cassation considère que l’ensemble des électeurs devaient être conviés au scrutin et ce, peu important que les accords collectifs en cause ne visent qu’une partie d’entre eux. Aussi, ce n’est pas tant le champ d’application de l’accord que la simple qualité d’électeur (au sens de l’article L. 2314-18 du Code du travail) à laquelle il convient de se rattacher pour déterminer les personnes devant être invitées au référendum.
Décision de la Chambre sociale de Cour de cassation du 5 janvier 2022 (RG n°20-60.270)