L’accord de performance collective, issu de l’ordonnance 2017-1385 du 22 septembre 2017 et remplaçant les accords de maintien de l’emploi (AME) et les accords de mobilité interne (AMI), commence tranquillement mais surement à tisser sa toile. Si les employeurs avaient au commencement peu recours à cet outil de restructuration “à froid”, ils mobilisent désormais de plus en plus le mécanisme.
Pour mémoire, sans avoir à justifier d’un motif économique, l’employeur peut – par la voie d’un accord collectif – aménager les règles en matière de rémunération, de durée du travail ou de mobilité (géographique ou professionnelle). Le cas échéant, l’accord collectif se substitue de plein droit aux clauses contraires prévues par le contrat de travail et s’impose donc aux salariés. Dans l’hypothèse où ces derniers s’opposeraient au déploiement de cet accord, ils s’exposent à ce qu’un licenciement leur soit notifié (article L. 2254-2 du Code du travail).
Pour la première fois, le Conseil d’Etat (s’agissant d’une affaire concernant un salarié protégé), se penche sur la question de savoir si des motifs légitimes peuvent être invoqués par les salariés concernés par l’application d’un accord de performance collective pour s’opposer à la modification de leur contrat de travail.
Dans le cas soumis au Conseil d’Etat, le salarié avait refusé la modification de son contrat de travail décidée en application d’un accord de performance collective en excipant de certaines préconisations du médecin du travail. L’autorisation de licenciement délivrée par l’Inspection du travail avait alors été contestée devant les juridictions administratives, le salarié arguant que son état de santé médicalement constaté était incompatible avec la nouvelle organisation prévue par l’accord de performance collective tant et si bien que son refus d’accepter cette nouvelle organisation était légitime.
Dans une décision du 4 avril dernier, le Conseil d’état rejette les moyens opposés par le salarié protégé et rappelle que :
- L’employeur est assujetti à une obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité physique et mentale des salariés en application des dispositions des articles L. 4121-1 et L. 4624-6 du Code du travail. L’employeur était donc invité à prendre en compte les préconisations du médecin du travail dans la nouvelle organisation décidée par l’accord de performance collective,
- Dans ces conditions, l’état de santé du salarié ne faisait pas obstacle à ce qu’il accepte la modification de son contrat de travail prévue par l’accord de performance collective.
Le Conseil d’Etat propose donc une analyse très littérale des obligations respectives de parties en matière de mise en œuvre d’un accord de performance collective : (i.) si le salarié n’a d’autres choix que d’accepter la nouvelle organisation actée par voie d’accord au risque de s’exposer à un licenciement en cas de refus, (ii.) l’employeur doit, le cas échéant, être en mesure d’adapter le poste du salarié qui accepte une telle modification pour prendre en compte l’avis du médecin du travail.
Le Conseil d’Etat émet une réserve : celle de l’inaptitude. En effet les articles L.1226-10 et suivants du Code du travail s’imposent aux parties si bien que l’employeur doit se conformer à la procédure d’inaptitude (recherche de reclassement interne, consultation éventuelle du CSE…) dans l’hypothèse où un avis d’inaptitude aurait déjà été émis à la date où le salarié refuse l’application de l’accord de performance collective.
Source : Décision du Conseil d’Etat du 4 avril 2025 (n°471490)