Prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié : l’ancienneté des manquements de l’employeur n’est pas suffisante à les écarter de l’analyse

Dans un arrêt du 27 septembre 2023, la Cour de cassation vient remettre en question la façon dont la gravité suffisante des manquements de l’employeur, invoqués à l’appui d’une prise d’acte de son contrat de travail par le salarié, doit être appréciée.

Pour rappel, le salarié qui prend acte de la rupture de son contrat rompt, sans préavis, le contrat de travail qui le lie à son employeur. Il doit ensuite saisir le bureau de jugement du Conseil de prud’hommes afin que celui-ci donne à la prise d’acte soit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit les effets d’une démission, en fonction de la réalité et de la gravité des manquements de l’employeur. En effet, afin que la prise d’acte puisse avoir les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il est nécessaire que les manquements de l’employeur soient « suffisamment graves » pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

L’ancienneté était régulièrement invoquée pour remettre en cause la gravité suffisante de manquements invoqués et ainsi faire produire à la prise d’acte les effets d’une démission.

Toutefois, l’arrêt du 27 septembre 2023 vient remettre en cause cet argument.

En l’espèce, le demandeur avait été engagé en 2010 en qualité d’agent commercial afin d’assurer la représentation et la vente des produits de son employeur. Le 14 octobre 2014, le salarié prend acte de la rupture de son contrat pour deux motifs :

  • la qualification erronée de son contrat. Celui-ci serait selon lui non pas un contrat d’agent commercial, mais un contrat de travail ;
  • l’absence, depuis plusieurs mois, de travail donné par la société.

Il saisit le 27 novembre 2014 la juridiction prud’homale de sa prise d’acte, et de ses demandes de requalification de son contrat d’agent commercial en contrat de travail ainsi que de diverses indemnités de rupture.

Les juges du fond déboutent le demandeur en raison de l’ancienneté des motifs invoqués à l’appui de sa demande.

Par son arrêt du 27 septembre 2023, la Cour de cassation vient condamner un ce seul argument en affirmant désormais que l’ancienneté des manquements invoqués ne dispense pas les juridictions du fond de faire l’analyse de la gravité suffisante de ces derniers

Ainsi, si désormais l’argument de l’ancienneté des manquements demeure invocable aux côtés d’autres arguments, il ne sera, à lui seul, plus suffisant pour juger que la prise d’acte du salarié doit produire les effets d’une démission.

Cass. soc., 27 sept. 2023, n° 21-21.085