Dans un arrêt rendu en janvier dernier, la Cour de cassation s’est prononcée sur la possibilité, pour un employeur, d’invoquer deux motifs de rupture inhérents à la personne du salarié dans la même lettre de licenciement.
En l’espèce, un directeur d’établissement est mis à pied à titre conservatoire puis licencié. Devant le Conseil de prud’hommes, ce dernier conteste la rupture de son contrat de travail, fondée sur deux motifs distincts : comportement fautif justifiant la mise à pied d’une part, insuffisance professionnelle d’autre part.
En appel, le licenciement est approuvé par les juges après analyse de la seule insuffisance professionnelle non fautive.
Le salarié forme alors un pourvoi. Selon lui, si l’employeur se place (même en partie) sur un terrain disciplinaire, le juge ne peut pas retenir qu’aucun des motifs dans la lettre de licenciement ne présente de caractère fautif.
La Cour de cassation rejette le pourvoi en rappelant le principe inscrit dans sa jurisprudence selon lequel « l’employeur, à condition de respecter les règles applicables à chaque cause de licenciement, peut invoquer dans la lettre de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, dès lors qu’ils procèdent de faits distincts ».
Cette solution semble logique puisque la lettre du Code du travail la prévoit. En effet, aux termes de l’article L. 1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement « comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur ».
Sous quelles conditions peut-on licencier un salarié pour plusieurs motifs ?
La Cour de cassation est claire : si le licenciement pour plusieurs motifs inhérents à la personne du salarié est permis, le cumul entre un motif économique et un motif personnel est prohibé.
En outre, les motifs disciplinaire et non-disciplinaire doivent répondre à des faits distincts. Autrement dit, l’employeur ne doit pas laisser planer de doute quant à la qualification des faits justifiant le licenciement. Ce n’est pas au juge de choisir entre les deux options.
Il est précisé que la liberté dont dispose l’employeur sur le motif de licenciement est encadrée lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail et dispose d’un avis d’inaptitude. Dans ce cas de figure, seul un licenciement pour inaptitude est possible.
Quid en pratique ?
Lorsque l’employeur use de son droit de licencier un salarié pour plusieurs motifs, il doit nécessairement respecter les procédures propres à chacun. Plus précisément, les délais applicables en matière disciplinaires doivent être appliqués. En conséquence, un employeur ne peut pas licencier un salarié pour faute et pour insuffisance professionnelle si la faute invoquée est prescrite.
Bien qu’un des motifs invoqué soit considéré comme non établi par les juges, ces derniers peuvent considérer que le licenciement du salarié repose sur une cause réelle et sérieuse. C’est ce qui est illustré dans l’arrêt du 17 janvier 2024.