Dans un arrêt du 15 février 2023 (n°21.21981), la Cour de cassation est venue clarifier la frontière entre deux principes de droit : d’une part, la lettre de licenciement fixe les limites du litige, d’autre part, l’employeur peut préciser le motif du licenciement devant les juges du fond.
Dans cette affaire, un directeur d’usine, titulaire d’une délégation de pouvoirs et de responsabilité en matière d’hygiène et de sécurité, s’était vu licencier d’une part pour “une absence ou une tardiveté de réaction aux demandes et interpellations du CHSCT” et d’autre part, pour une “absence de démarche pour inverser la dégradation en matière de sécurité au travail en 2017 qui s’est traduite par une augmentation du nombre d’accidents du travail sur le site” dont il avait la charge et ”absence de mesures visant à faire respecter les règles de sécurité”.
La Cour d’appel avait condamné l’employeur à diverses sommes à raison d’un licenciement qu’elle jugeait sans cause réelle et sérieuse. Elle estimait en effet que les précisions apportées par l’employeur devant le Conseil de prud’hommes d’abord, devant elle ensuite, n’avaient pas été visées dans la lettre de licenciement qui, en droit, fixe les limites du litige.
L’employeur avait en effet précisé, dans le cadre du litige, que le premier motif (“absence ou une tardiveté de réaction aux demandes et interpellations du CHSCT“) tenait à ce que le salarié n’avait pas “réagi pour informer l’instance représentative du personnel des mesures mises en œuvre au titre du plan d’action prédéfini” qui lui a été adressé par le CHSCT le 7 décembre 2017“. Pour la Cour d’appel, ce motif devait être écarté car non visé dans la lettre de licenciement.
De même, sur le deuxième motif (“absence de démarche pour inverser la dégradation en matière de sécurité au travail en 2017 qui s’est traduite par une augmentation du nombre d’accidents du travail sur le site” dont il avait la charge et ”absence de mesures visant à faire respecter les règles de sécurité”), l’employeur avait été amené à préciser qu’il reprochait au salarié “deux accidents dont a été victime M. M. les 30 mai et 1er août 2017 dans les mêmes circonstances et sur le même poste de travail” et “un courriel du CHSCT en date du 12 octobre 2017 se plaignant de ce que ses plans d’action n’avaient pas été pris en compte“. Pour la Cour d’appel, ce motif devait être lui aussi écarté car non visé dans la lettre de licenciement.
La Cour de cassation a – en toute logique et bonne foi – cassé l’arrêt de la Cour d’appel, en jugeant que “l’employeur était en droit d’expliciter les griefs suffisamment précis pour être matériellement vérifiables” énoncés dans la lettre de licenciement par le rappel des circonstances exactes et spécifiques des faits. La cour suprême en conclut que “si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, l’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif“.