D’après une jurisprudence constante de la Cour de Cassation, la validité d’une convention de forfait jours est subordonnée à la conclusion d’un accord collectif garantissant, d’une part, le respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires, et déterminant, d’autre part, les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail.
La loi n°2016-1088 du 8 août 2016, dite “loi Travail”, a repris l’ensemble des exigences posées par la Cour de Cassation, qui figurent désormais à l’article L.3121-64 du Code du travail.
Conformément à cet article, l’accord permettant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours doit mentionner :
” 1° Les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
2° Les modalités selon lesquelles l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l’organisation du travail dans l’entreprise ;
3° Les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion prévu au 7° de l’article L.2242-17.“
La Cour de Cassation exerce ainsi son contrôle au regard de ces dispositions, en se concentrant sur les mesures prévues par les accords collectifs concernant le suivi régulier de la charge de travail.
Par trois arrêts du 5 juillet 2023, la Cour de Cassation s’est ainsi prononcée sur la validité de trois accords collectifs de branche mettant en place un dispositif de forfait annuel en jours.
Dans les deux premières affaires, la Cour de Cassation a invalidé les dispositions de deux conventions collectives différentes : la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l’automobile (Cass. soc., 5 juillet 2023, n°21-23.222) et la convention collective nationale des prestataires de service (Cass. soc., 5 juillet 2023, n°21-23.387).
Les deux cours d’appel saisies de ces affaires avaient estimé que les dispositions de ces conventions collectives prévoyaient un suivi effectif et régulier du salarié bénéficiant d’une convention de forfait en jours permettant d’assurer une durée raisonnable de son amplitude de travail et de préserver sa santé et sa sécurité.
La Cour de cassation a cassé ces deux arrêts, considérant que ces dispositifs ne permettent pas à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable et ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.
En revanche, dans la troisième affaire, la Cour de cassation a jugé que les dispositions de la convention collective des employés, techniciens et agents de maitrise du bâtiment, permettent un suivi effectif et régulier de la charge de travail des salariés (Cass. soc., 5 juillet 2023, n°21-23.294).
Cette convention collective prévoit notamment un suivi régulier par la hiérarchie de l’organisation du travail du salarié (en particulier concernant la surcharge de travail et le respect des durées minimales de repos) et la tenue, par l’employeur ou le salarié, d’un document individuel de suivi des journées ou demi-journées de travail, des jours de repos et de congés. Ce document doit ensuite permettre un point régulier et cumulé des jours de travail et des jours de repos du salarié, afin de permettre la prise de l’ensemble des jours de repos dont bénéficie le salarié.
Par cette série d’arrêts, la Cour de cassation rappelle l’importance d’effectuer un suivi effectif de la charge de travail des salariés, de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.