Par deux arrêts du 20 janvier 2023, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation est venue opérer un revirement de jurisprudence concernant le champ de la rente AT/MP en précisant que cette dernière n’avait pas vocation à indemniser le déficit fonctionnel permanent.
Pour rappel, cette rente AT/MP est due à tout salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ayant entraîné une incapacité permanente supérieure à 10 %. Elle peut, sous certaines conditions, faire l’objet d’une majoration.
Cette position est en totale rupture avec celle qu’avaient adoptée, depuis 2009, la chambre criminelle et la Deuxième chambre civile de la Cour de cassation, qui, toutes deux, considéraient que le déficit fonctionnel permanent était couvert par la rente AT/MP et que, en conséquence, le salarié victime ou ses ayants-droits ne pouvaient pas exiger d’indemnisation complémentaire à ce titre.
Cette position avait été critiquée par certains commentateurs, car elle tendait à réduire la portée de l’article L.452-3 du Code de la sécurité sociale qui dispose que le salarié victime est en droit de demander une indemnisation visant à réparer le préjudice causé par « les souffrances physiques et morales par [lui] endurées ».
C’est ainsi que, par un arrêt du 28 septembre dernier (n° 21-25.690), la Deuxième chambre civile suit l’Assemblée plénière.
Dans cette affaire, une salariée, engagée en qualité de piqueuse de 1964 à 1991, avait été exposée à l’amiante et s’était vu reconnaître une maladie professionnelle au titre du cancer qu’elle avait déclaré. Son fils engagea une action aux fins d’indemnisation du déficit fonctionnel permanent de la salariée, prématurément décédée en 2017.
L’employeur soutenait l’absence de préjudice professionnel pour échapper au versement d’une indemnisation supplémentaire, la victime ayant été déjà à la retraite depuis plusieurs années lors de l’apparition de son cancer. De ce fait, la rente AT/MP couvrait nécessairement le déficit fonctionnel permanent.
La Deuxième Chambre Civile ne l’a pas suivi en affirmant que « la rente ou l’indemnité en capital versée à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent ». Ce faisant, la victime était en droit de « prétendre à la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées que la rente ou l’indemnité en capital n’ont pas pour objet d’indemniser ».