UTILISATION ABUSIVE DES HEURES DE DELEGATION : L’EMPLOYEUR DISPOSE DE MOYENS D’ACTION

Dans un arrêt du 22 novembre 2023 (n°22-19658), la Cour de cassation a apporté des précisions sur les conséquences possibles d’un positionnement abusif des heures de délégation par le représentant du personnel.

  1. Les faits

En l’espèce, un salarié de la RATP travaillant habituellement de 18h15 à 1h30 bénéficiait, en sa qualité de délégué syndical, d’un crédit d’heures de 20 heures par mois.

Ce dernier positionnait ses heures de délégation entre 5h00 et 7h00 puis entre 14h00 et 16h00, de sorte que son repos obligatoire de 11 heures consécutives était interrompu.

Le salarié, qui n’était pas en mesure d’effectuer sa prise de service à 18h15 conformément aux règles statutaires régissant le temps de travail des agents de la RATP, bénéficiait en conséquence d’autorisations d’absence rémunérée et sa prise de service était différée.

L’employeur lui avait en conséquence demandé de justifier des nécessités le conduisant à poser ses heures de délégation sur de tels créneaux. Sans réponse de la part de l’intéressé, l’employeur a saisi la juridiction prud’homale afin de solliciter le paiement par le salarié de dommages-intérêts pour utilisation abusive des heures de délégation.

2. Le droit applicable

Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, les représentants du personnel peuvent utiliser leurs heures de délégation tant durant leurs heures habituelles de travail qu’en dehors (Cass., Soc., 28 février 1989, n°85-45.488).

Toutefois, le salarié ne peut être payé pour les heures de délégation prises en dehors de son temps de travail habituel que si les nécessités du mandat le justifient, ce qu’il lui appartient de prouver (Cass., Soc., 14 octobre 2020, n°18-24.049).

3. La décision et sa portée

Dans la ligne des arrêts précités, la Cour de cassation a approuvé la décision des juges du fond, qui retenaient que le salarié ne justifiait pas, pour prendre systématiquement des heures de délégation en dehors de son horaire habituel de travail, de nécessités liées au mandat et qu’en conséquence l’employeur était recevable à agir sur le fondement d’un abus de droit.

La Cour reconnait ainsi que l’utilisation systématique de son crédit d’heures en dehors de son temps de travail par un représentant du personnel peut être abusive et en conséquence donner lieu au paiement de dommages-intérêts.