Heures supplémentaires : précisions sur la charge de la preuve

L’article L. 3171-4 du Code du travail prévoit que « en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ».

La Cour de cassation juge de manière constante, sur le fondement de cet article, que le salarié n’a pas à « étayer » sa demande mais doit simplement apporter « des éléments suffisamment précis (…) afin de permettre à l’employeur (…) d’y répondre utilement » (Cass. Soc., 17 février 2021, n°18-15.972).

La haute juridiction vient d’apporter, par deux arrêts, des précisions importantes sur la charge de la preuve en matière d’heures supplémentaires.

Faits

Dans la première affaire (n° 22-23.047), un salarié présentait, pour justifier sa demande de rappels d’heures supplémentaires, deux tableaux indiquant le nombre des heures qu’il soutenait avoir accomplies d’avril 2013 à septembre 2014. 

La Cour d’appel avait initialement débouté le salarié, estimant que les tableaux n’indiquaient ni les temps de travail, ni les temps de pause journaliers, rendant les éléments fournis par le salarié insuffisamment précis.

Dans la seconde affaire (n°22-22.506), un salarié alléguait également avoir effectué des heures supplémentaires non-rémunérées entre janvier 2016 et mars 2017. Afin de démontrer la réalisation des heures supplémentaires alléguées, le salarié expliquait avoir envoyé des courriels à des heures tardives.

Ici encore, la Cour d’appel avait débouté le salarié de sa demande de rappels d’heures supplémentaires, considérant que les envois de courriers à des heures tardives, sans urgence, ne permettent pas d’établir la réalité d’un travail continu à la fin de l’horaire théorique ou le weekend.

Décisions

Sur pourvoi, la Cour de cassation estime au contraire :

  • Qu’il importe peu que les tableaux produits par le salarié n’indiquent pas les horaires de travail, ni les temps de pause journaliers : un tableau présentant le seul nombre des heures alléguées constitue un élément suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre ;
  • Que la preuve d’envois de courriels à des heures tardives, même sans urgence, constitue un élément suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre, et donc susceptible de prouver la réalisation d’heures supplémentaires.

C’est donc désormais une conception très large de la notion « d’éléments suffisamment précis » qu’entend adopter la Cour de cassation, faisant ainsi le choix de ne disqualifier d’emblée aucun élément apporté par le salarié avec, pour effet, de mettre sur l’employeur la charge de prouver l’absence d’heures supplémentaires. Or, prouver une absence n’est pas chose aisée.

Cass. Soc., 28 février 2024, n° 22-23.047 ; Cass. Soc., 28 février 2024, n°22-22.506