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Licenciement disciplinaire d’un salarié protégé : autorisation de licenciement refusée si l’employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire

La décision rendue par le Conseil d’Etat le 8 décembre dernier (CE, 8 déc. 2023, n°466620) est l’occasion de rappeler les principes régissant l’utilisation par l’employeur de son pouvoir disciplinaire.

I. Rappel des principes

Pour mémoire, l’article L. 1332-4 du Code du travail prohibe l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de 2 mois à compter du jour où l’employeur a eu connaissance des manquements (étant rappelé que, conformément aux dispositions de l’article L. 1332-5 du Code du travail, “aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l’engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l’appui d’une nouvelle sanction“).

Le Code du travail définit par ailleurs la notion de sanction comme toute mesure, autre que des observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération (art. L. 1331-1).

Au visa des deux articles précités, la Cour de cassation considère que l’employeur qui, dans une même période, a connaissance de divers faits non-prescrits et considérés par lui comme fautifs, mais ne choisit d’en sanctionner qu’une partie, ne peut plus par la suite prononcer une nouvelle sanction disciplinaire pour sanctionner les autres faits dont il avait connaissance à la date de la première sanction (Cass. soc. 16 mars 2010, n°08-43.057). Cette jurisprudence est désormais bien établie par la Cour de cassation, qui rappelle régulièrement ce principe (en ce sens : Cass. soc., 23 juin 2021, n°19-24.020).

II. Contexte de la décision

En l’espèce, un salarié protégé s’était vu sanctionner d’une mise à pied de 3 jours, en décembre 2017. Quelques mois plus tard, l’employeur demandait à l’administration l’autorisation de licencier ce salarié pour faute, pour des faits commis entre septembre 2017 et janvier 2018, que n’évoquait pas la précédente sanction mais dont l’employeur avait alors déjà connaissance.

Dans un premier temps, l’inspecteur du travail avait rejeté la demande. L’employeur avait saisi le Ministre du travail d’un recours hiérarchique. Le Ministre du travail avait alors annulé la décision de l’Inspecteur du travail et avait autorisé l’employeur à procéder au licenciement du salarié protégé.

Le salarié s’est alors pourvu devant le Conseil d’Etat.

III. La décision et sa portée

Le Conseil d’Etat considère pour sa part que l’employeur ayant déjà eu connaissance des faits justifiant le licenciement du salarié lorsqu’il avait décidé de mettre à pied le salarié, il avait épuisé son pouvoir disciplinaire. Il annule ainsi l’autorisation de licencier le salarié protégé.

Le Conseil d’Etat reprend ainsi à son compte une jurisprudence bien établie de la Cour de Cassation.

Si l’alignement des positions de la Cour de Cassation et du Conseil d’état est naturellement la bienvenue en terme de sécurité juridique, cette décision est surtout l’occasion de souligner que l’employeur doit rester vigilant lorsqu’il entend sanctionner un salarié protégé pour des faits fautifs.


Source : https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000048543171